Sous le charme des oliveraies provençales avec Philippe Ducru

 

Philippe Ducru sur son domaine en juillet 2022 © Camille Frachon

Philippe Ducru nous a accueillis sur son merveilleux domaine près de Mouriès, la commune comptant le plus grand nombre d’oliviers en France. L’occasion de lui poser quelques questions sur son approche, son oliveraie et ce qui l’a amené à devenir producteur d’huile d’olive.

OG : Comment es-tu venu à l’oléiculture après une carrière dans l’affrètement maritime ?

PD : Déjà petit je voulais être agriculteur mais mon père m’en avait dissuadé, me prévenant que « la terre est basse » et que c’est un métier éprouvant. Les hasards de la vie m’ont ensuite porté vers le monde maritime. Puis, il y a une vingtaine d’années, je suis tombé sous le charme d’un petit vallon près de Mouriès à l’occasion d’une visite chez un cousin. Il y avait là une maison à vendre avec une oliveraie, je l’ai achetée sur un coup de cœur en sonnant directement au portail ! Le soir j’y suis retourné pour voir les lieux et me suis demandé si je n’étais pas fou de de me lancer dans cette aventure… Mais je ne regrette rien, je me suis tant intéressé à l’oléiculture que j’ai repris les différentes parcelles voisines !

OG : Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur ce qui fait la particularité de ton oliveraie et du site sur lequel elle se trouve ?

PD : C’est une petite vallée près des Baux de Provence, dans les Alpilles. On pourrait presque dire que c’est un lieu secret car on y entre par une route en terre que peu de gens connaissent. On l’appelle le vallon de Cagalou, le « cagalou » en provençal étant un petit escargot. C’est un endroit très préservé et privilégié qui a la particularité d’avoir un sol très calcaire, à l’acidité très faible, caractéristique de notre terroir.

Les cinq variétés d'olives de l’AOP Vallée des Baux sont représentées sur l’oliveraie. On trouve en majorité la Salonenque, une olive endémique de la région connue pour sa douceur. C’est cette variété qui influence le plus le goût de mes huiles. Les autres variétés sont la Grossane, elle aussi plutôt douce, l'Aglandau, une variété plus ardente répandue en Provence, et enfin la verdale des Bouches-du-Rhône et la picholine, toutes deux assez « poivrées ». Cela offre un terrain de jeu passionnant pour l’assemblage !

Vue aérienne du domaine en 2021 © Camille Frachon

OG : Que recherches-tu justement dans tes assemblages ?

PD : J’aime que le fruité de l’olive soit bien présent mais avec une amertume et un piquant qui restent discrets. Cela tombe bien, car la Salonenque, même récoltée de façon précoce, donne une huile qui correspond à ce profil. Les autres variétés interviennent pour accentuer le fruité, l’amertume et l’ardence et donner à l’huile un peu plus de « relief » sans emporter le palais.

OG : Et que penses-tu de l’huile d’olive fruité « maturé », une tradition typiquement provençale ?

PD : Oui, particulièrement dans les Alpilles nous perpétuons cette tradition de laisser fermenter les olives en anaérobie avant d’en extraire l’huile au moulin. Cela donne des huiles d’olive au fruité dit maturé ou à l’ancienne, à ne pas confondre avec le fruité mûr qui est une huile obtenue avec des olives récoltées tardivement. Ce procédé de fermentation donne un goût qui évoque la tapenade et le beurre, les champignons aussi. Cela plait à beaucoup de gens, qui trouve cela nouveau et différent.

Cette huile d’olive ne peut pas être classée « extra vierge » mais elle fait partie de l’AOP de la Vallée des Baux. C’est d’ailleurs la seule AOP au monde qui n’est pas extra vierge. Même si elles ne sont pas « extra », je trouve certaines huiles maturées fabuleuses !

OG : Pourquoi avoir choisi l’agriculture biologique dès tes débuts ?

PD : Sur un site préservé comme le mien, qui bénéficie maintenant d’une protection Natura 2000, cela s’est imposé comme une évidence. En plus de ne pas utiliser d’intrants chimiques, j’ai fait le choix de ne pas travailler les sols afin de laisser un couvert végétal et de favoriser la biodiversité. Cela permet d’avoir un écosystème plus résilient, notamment face aux changements climatiques et à certains ravageurs. Cela contribue peut-être aussi à donner plus de saveurs aux olives !

Propos recueillis par Camille Frachon