À la campagne

Série “L’huile d’olive et les autres ingrédients de notre vie”

 

Je vais à la campagne, j'aime être avec ceux qui y vivent. À la campagne, le temps ne s’écoule pas de la même façon et prend une autre valeur, comme s’il n’était pas compté. L'horloge ne dicte pas le passage des heures ; rien n’incite mieux à la réflexion que la campagne, elle vous libère des liens, des habitudes. On retrouve cette perception dans l’iconographie traditionnelle : grandes tablées, promenades, lecture d'un livre à l'ombre, discussions au coin du feu. Pour ceux qui le vivent, ce temps de la campagne a une valeur unique.

Je lisais il y a quelques années une publication sur le profil Facebook de Josko Gravner, un vigneron exceptionnel à Oslavia dans le Frioul ; c'était un post en apparence anecdotique, une simple description du travail en cours pour la plantation du nouveau vignoble de cépage Ribolla.

« Il y a deux semaines, nous avons planté du Ribolla dans la partie centrale de Dedno. Les travaux de préparation du vignoble ont commencé en 2006 ; il a fallu onze ans et plus de deux cents camions de gravier pour préparer et sécuriser le drainage, puis deux ans d'engrais vert pour s'assurer de la stabilité du terrassement. Les vignes plantées cette année produiront des raisins que nous récolterons à partir de 2025, pour être mis en bouteille en 2032. Juste à temps pour les 80 ans de Josko. »

Nous pourrions nous arrêter là ; ces mots donnent matière à chacun pour méditer sur le temps, sa beauté, la profondeur de la culture humaine et agricole d'une famille capable de se projeter dans vingt-six ans, avec les yeux d'aujourd'hui. Ces quelques mots nous montrent le lien entre les valeurs du temps, de la terre, du vignoble, du vin, de Josko.

Pensons nous aussi à notre rapport au temps, pas seulement au présent, aussi au futur. Imaginons ce qu’il sera. Comme Josko Gravner, lorsqu'il a commencé en 2006, en pensant au vin qu'il boirait en 2032. Comme une oléicultrice qui plante un olivier avec sa petite-fille en songeant à l'huile qui viendra de ses olives dans dix ans. Décidons ce que nous voulons être et poursuivons ce rêve par des gestes quotidiens répétés à l’infini.

Cette réflexion nous fait comprendre à quel point il est difficile de parler des produits de la terre comme l’huile d’olive si l'on n'a pas d'abord une passion pour la terre, les arbres et les olives. Chacun d’entre nous développe son rapport au temps ; de même, en agriculture chaque chose a sa saison et nous devons acquérir les connaissances nécessaires pour respecter cette temporalité, comprendre les raisons de chaque saison.

Extrait de L’olio e gli altri ingredienti della nostra vita de Maurizio Pescari (Rubbettino, 2021). Traduction et adaptation Camille Frachon.