Montenero d'Orcia : les tomates écrasées de Rosina

Série “L’huile d’olive et les autres ingrédients de notre vie”

 

Le pain aux tomates écrasées ou “pomodoro strusciato”

Chaque fois que je traverse le Val d'Orcia, en descendant de Montalcino vers Sant'Angelo, mon cœur s’emplit de beauté. Des morceaux de la vraie Toscane, qui ne vit pas que pour le tourisme, les vallons élégants des vignobles, et des oliveraies qui semblent réclamer les mêmes égards. Cette route est belle en toute saison, sous le soleil ou la pluie, que domine le vert ou l’ocre de la terre. Puis, lorsque de Sant'Angelo Scalo on aperçoit la face arrière du mont Amiata, l'olivier prend sa revanche sur la vigne. Seggiano est à deux pas mais nous allons à Montenero d’Orcia, un village au loin perché sur une petite colline.

Je monte, et quand je passe en contrebas de la maison, mon regard se tourne vers la fenêtre. Rosina est là, elle me voit et m’invite aussitôt : « Viens, je te fais un café ». Les marches de la maison sont raides, la porte est ouverte. « Tu veux un café ou tu prendras avec moi une tranche de pain avec un filet d’huile ? », me demande Rosina ce matin-là. Je choisis l'huile d’olive, connaissant l'histoire familiale et le temps qu'elle et son Fernando ont consacré à ce fruit, dont leurs enfants s’occupent aujourd’hui. Elle coupe les tranches de pain, les met sur le feu quelques minutes, les retournant de temps à autre, puis sur l'assiette.

« Je te mets aussi quelques tomates écrasées ? ». Bien sûr que oui, alors elle en prend une dans le panier, la coupe en deux et frotte la chair sur le pain, mais seulement d'un côté ; ensuite vient le tour du sel et enfin de l'huile. Calme, mesurée dans chaque mouvement. « Si tu savais combien mes enfants ont mangé de ce pain frotté aux tomates ! Maintenant j'ai des petits-enfants, ils en mangent aussi, mais ils ne restent pas à table, ils courent toujours partout ». Avec Rosi, je mange cette tranche de pain avec un filet d'huile, qui semble être la même dans toutes les familles, mais qui est en fait toujours différente. « C'est tellement bon ! Maintenant je te fais un café... Puis viens déjeuner avec Giorgio, on fait des pois chiches aujourd'hui ».

Extrait de L’olio e gli altri ingredienti della nostra vita de Maurizio Pescari (Rubbettino, 2021). Traduction et adaptation Camille Frachon.