Pain, huile d’olive et satiété

Série “L’huile d’olive et les autres ingrédients de notre vie”

J’observe ce filet d'huile d’olive que je verse dans mon assiette au début de chaque repas. « Je lisais hier qu’une bonne huile d’olive coupe l'appétit... » Pas la moindre réaction autour de la table. Rien. En général, on m’écoute à la maison quand je parle d’alimentation. Ou on fait semblant de... « Alors ? Vous m’écoutez ? »

J'ai pourtant bien lu cet article, sur une page du journal que je continue d’acheter tous les jours avec obstination ; je l'avais lu, télévision éteinte, assis dans ce fauteuil en velours rouge où je fais mon nid à certains moments de la journée. Bien enfoncé, plongé dans mes pensées, mon Dylan sur les genoux – pour moi il est toujours là, même s’il nous a quittés... – et ce journal en main, soigneusement plié. Je lis d'abord les pages sportives, m’énerve à la lecture des nouvelles footballistiques et me calme avec le reste du journal.

On a donc découvert de nouvelles vertus à l'huile d'olive vierge extra de haute qualité. C'est le résultat d'études récentes montrant que le sentiment de satiété augmente après en avoir mangé, et que ce sentiment est corrélé au caractère fruité et herbacé de l’huile d’olive. Le mérite de cette découverte revient au professeur Raffaele Sacchi et à l'équipe de chercheurs qui travaillent avec lui dans le beau palais bourbonien de l'historique Faculté d'agriculture de Portici (Campanie), qui fut un temps l’École royale d'agriculture. « Du pain et de l'huile bien fruitée... pour avoir moins faim ! », un constat qui devrait changer le point de vue des consommateurs sur l'huile de qualité puisque, dans le monde dit évolué, on est plus enclin à dépenser pour perdre du poids que pour manger.

Les chercheurs affirment que les interactions complexes des arômes avec nos récepteurs peuvent influencer la sensation de satiété. La culture sensorielle est encore peu développée, les gens n’ont pas l'habitude de goûter l'huile d’olive, considérée comme un banal condiment. Pourtant, pour manger mieux, il suffit d’ouvrir une « appli » gratuite et naturelle, le nez, de trier les bonnes odeurs des mauvaises, de se laisser guider par son odorat et non par des lieux communs ou des habitudes, qui font que notre goût est la conséquence d'expériences vécues dans l'enfance, sans compréhension de la valeur de tel ou tel aliment. Hier comme aujourd'hui, ce sont les enfants qui savent reconnaître une bonne huile d’olive et faire la différence entre les arômes des huiles de qualité et les odeurs désagréables des huiles défectueuses. Mais ils ne font pas les courses.

Je ferme le journal. C'est presque l'heure du déjeuner, les tranches de pain chaud arrivent, le pain de Ponte Valleceppi. Du pain et de l'huile d’olive. Le déjeuner des riches.

Extrait de L’olio e gli altri ingredienti della nostra vita de Maurizio Pescari (Rubbettino, 2021). Traduction et adaptation Camille Frachon.